77 de Marin Fouqué

Marin Fouqué :
né en 1991, Marin Fouqué est diplômé des beaux-arts de Cergy.
Il vit en Seine-Saint-Denis, anime des ateliers d'écriture, étudie le chant lyrique et pratique la boxe française. Il écrit de la poésie, du rap, des nouvelles, et compose sur scène des performances mêlant prose, chant et musique.

77, son premier roman publié par Actes Sud en 2019, a été très remarqué par la critique et lui a valu une bourse de la fondation Lagardère.
G. A. V.  (garde à vue) est son deuxième roman. 
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4ème de couverture :
Chaque matin depuis la rentrée, ensommeillés, mutiques, mal lunés, ils se retrouvent au point de ramassage – le grand Kevin, la fille Novembre, le Traître, les faux jumeaux, et puis lui. Aujourd’hui, il ne montera pas dans le car scolaire, il va rester seul au bord de la route, sous l’abribus, sous sa capuche, toute la journée. À regarder passer les voitures. À laisser son regard se perdre sur les terres du “sept-sept”, ce département vague entre Paris et la province, entre boue et bitume, où les villes sont de simples bourgs et les champs de mornes étendues de camaïeu brun. À se noyer dans les souvenirs d’avant l’été, quand le Traître s’appelait encore Enzo et qu’avec la fille Novembre ils formaient un trio inséparable.....
 
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C’est un récit écrit d’un jet continu, sans chapitre, sans alignement.
Un peu perturbant au départ mais nécessaire, totalement approprié comme un flot de paroles continu, un grand monologue qui raconte le quotidien d’un ado en capuche dans le 77, au corps frêle, qui se planque sous cette fichue capuche.
Par flash back successifs, il nous raconte son bled, (Vernou la Celle sur Seine près de Montereau) ses champs marron, le père Mandrin sur son tracteur, la vieille, les vieux qui jouent au loto, la parisienne, ce qui a fait que son pote Enzo soit devenu le traître, …
Il nous conte l’arrivée du grand Kevin qui fera de lui un autre....
Le 77 est symboliquement représenté comme un espace qui ne se construit qu’en opposition, comme une nécessaire résistance à une menace démultipliée, celle des tentatives d’absorption de Paris. La peur d’être avalé et de disparaître, proférée à plusieurs reprises par le père Mandrin juché sur son tracteur, cet oracle menaçant, est un leitmotiv du récit. Il faut à tout prix « éviter que notre village devienne un repère de racailles ou pire : une extension de Paris ».
Il serait bien commode de se contenter de lire le roman de Marin Fouqué comme un récit de la vacuité de l’existence de ces jeunes qui ne sont ni à Paris, ni vraiment en banlieue urbaine, qui ne sont même pas des racailles, malgré quelques tentatives avortées. 
Certes, le désœuvrement est le maître mot d’une jeunesse qu’on voudrait voir perdue, et qui est sans aucun doute abandonnée, qui s’abandonne aussi à elle-même. Et les portraits que Marin Fouqué fignole avec une justesse remarquable ne sont pas sans évoquer cette question fondamentale et éminemment politique de la place qu’une société accorde à sa jeunesse, à toute sa jeunesse et pas seulement à celle des élites sociales et scolaires, les deux étant encore trop souvent confondues.
extraits :
- "Chaque matin, le vertige me prenait, vertige des journées qu'il devait passer là, seul, en assumant entièrement le vide. Sans notre petite bande, cette étendue de terre, c'était le vide. Vide des camping-cars, vide des hangars, vide du silo, vide de la benne, vide maison de la sorcière, vide la rue, vides les grands champs, vides les sillons de la Vieille. Même le père Mandrin et ses monologues, vides. Et très vite, selon mes professeurs, vide ma tête. Et mes poings serrés face aux rires de la cour de récréation, vides. Alors un matin, naturellement, comme y en a qui décident de se foutre sous un train, je suis resté sur le banc."
-  "Et puis c'est comme si j'étais pas là : j'ai ma capuche. Planquer sa face fine sous la capuche. Utile dans toutes les situations, la capuche. C'est comme fumer, je l'ai compris plus tard. D'accord, t'as un peu l'air louche aux yeux de certains, avec ta masse sombre sur le crâne, l'ombre qui tombe sur le regard, ou bien tes odeurs de shit dans le bec. Mais c'est toujours mieux que d'être là à attendre, droit comme un I ou affalé sur un banc, le regard dans le rien ou pire : à fixer quelqu'un. Et puis, on est comme des chiens dangereux : les gens normaux préfèrent nous voir avec des muselières, même si ça fait encore plus flipper. Alors les capuches, c'est nos muselières : pour cacher nos gueules. C'est pas de moi, ça, c'est du grand Kevin. Il aime les mots, celui-là. Moi, je me dis qu'au moins, avec ma capuche, on sait pas ce que je regarde donc on sait pas où je me promène. Je me promène toujours sous ma capuche. Faut pas croire."
 
-"Il me maravait la gueule et j'aimais ça. Je hurlais de douleur et de plaisir. Ce n'était pas un jeu de môme avec les vers, ce n'était pas un défi pour passer l'ennui du loto, pas non plus une victimisation seul contre un groupe, encore moins le règlement de comptes de deux victimes. Non. Je l'avais accepté, je l'avais choisi, il était sérieux, il me voulait du bien. C'était mon massacre, le mien, pour moi. Mon offrande. Mon cadeau. Mon sacre de douleur. Devenir un homme."
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L’écriture est tranchée, saccadée, façon slam percutant, c’est un long monologue sonore et sensible. Poétique ? à sa manière.
Quelle force d’écriture !. 
pour lire le début :
https://books.google.fr/books?id=6UWeDwAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
Voix singulière, mémorable.
Public averti .....
Belles lectures !
❤❤❤❤
 

adulte lecture

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