Confiteor de Jaume Cabré

Livre de la bibliothèque de Melun.

Aperçu : roman traduit du catalan par E.Raillard.

A propos de l'auteur  : Jaume Cabré i Fabré, né le 30 avril 1947 à Barcelone, est un philologue, écrivain et scénariste espagnol d'expression catalane.

Il a combiné pendant de nombreuses années, l'écriture et l'enseignement. Il a également travaillé à l'écriture de scénarios pour la télévision et le cinéma. 

Prix Courrier international du meilleur roman étranger, 2013. 

A propos du titre :

 Confiteor (Deo omnipotenti...) est le titre d'une prière liturgique, commune aux rites latins médiévaux et modernes, commençant par le verbe latin qui signifie : « Je reconnais, j'avoue » ; d'où la traduction liturgique française « Je confesse (à Dieu, tout puissant...) ». Par cette formule, le fidèle se reconnaît pécheur.

C'est du Confiteor romain que vient l'expression courante « Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa » (« c'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute ») que le fidèle dit en se frappant la poitrine.

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Barcelone années cinquante, le jeune Adrià grandit dans un vaste appartement ombreux, entre un père qui veut faire de lui un humaniste polyglotte et une mère qui le destine à une carrière de violoniste virtuose.
Brillant, solitaire et docile, le garçon essaie de satisfaire au mieux les ambitions démesurées dont il est dépositaire, jusqu'au jour où il entrevoit la provenance douteuse de la fortune familiale, issue d'un magasin d'antiquités extorquées sans vergogne.....

Un demi-siècle plus tard, juste avant que sa mémoire ne l'abandonne (début d'Alzheimer), Adrià tente de mettre en forme l'histoire familiale, dont un violon d'exception, une médaille et un linge de table souillé constituent les tragiques emblèmes.

De fait, la révélation progressive ressaisit la funeste histoire européenne et plonge ses racines aux sources du mal. De l'Inquisition à la dictature espagnole et à l'Allemagne nazie, d'Anvers à la Cité du Vatican, vies et destins se répondent pour converger vers Auschwitz-Birkenau, épicentre de l'abjection totale.

Sara, la femme tant aimée, est la destinataire de cet immense récit relayé par Bernat, l'ami envié et envieux dont la présence éclaire jusqu'à l'instant où s'anéantit toute conscience.

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Attention !!!! Monument !!!

Lire Confiteor c'est  faire le grand plongeon dans ces presque 800 pages, avec ou sans boussole. Un monument qui a pris huit années à son auteur…

C'est une expérience de lecture exigeante, un poil érudite, perturbante, fascinante, épuisante, réjouissante… Tout cela à la fois.

Et je n'oublie pas "l'humour" dont ce récit ne manque pas ...

 Adrià est né de parents qui ne l’aiment pas vraiment mais qui veulent à tout prix en faire un prodige, et celui-ci a toute les dispositions pour, semble-t-il. 

 Sa mère voudrait en faire un grand du violon, son père a décidé qu’il serait un grand humaniste à même de jongler avec au moins une dizaine de langues.

"Oui, je me suis toujours beaucoup ennuyé, parce que ma maison n’était pas une maison pensée pour les enfants et que ma famille n’était pas une famille pensée pour les enfants."

"-Pourquoi chez les Jésuites ? Tu n'es pas croyant et....

-Enseignement de qualité. Nous devons être efficaces; nous n'avons qu'un fils et nous ne pouvons pas foirer."

 Le père, Félix Ardevol, est par ailleurs un collectionneur compulsif, collectionnant les manuscrits originaux, sans trop se questionner sur leur origine. Mais le fleuron de sa collection est un violon. Un violon d’une valeur inestimable, œuvre exceptionnelle de Laurenzo Storioni, jeune luthier de Crémone. Un violon qui dès son origine connaîtra et provoquera des histoires pleines de bruit et de fureur, et, parfois aussi, de musique.

 Dans les années qui suivront la mort brutale et inexpliquée du père, Adrià découvrira petit à petit les histoires qui ont conduit le Storioni dans le coffre familial tout en découvrant l’histoire bien trouble de sa famille.

 Sur le tard, la maladie le talonnant, il est pris par la nécessité d’écrire tout cela, d’urgence avant que celle-ci n’ait fait son œuvre. Cette maladie d’Alzheimer qui à tout moment déstructure le récit, saute d’un lieu à l’autre, d’un siècle à l’autre, d’une situation à une autre, qui fusionne les personnages… 

Mais l’effondrement de la classique logique des récits « bien construits » finit par mettre à nu les fils de l’histoire, ses continuités au-delà de toutes les ruptures contingentes ou accidentelles. De l’Inquisition à Auschwitz Birkenau, du monastère de San Pere de Burgal à Barcelone en passant par Crémone, la Hollande, Tübingen… quelque chose se poursuit ou se répète, inéluctablement.

"Parfois, je ne comprends pas pourquoi les hommes échangent surtout des coups alors qu'il y a tant de choses à faire. Parfois, je pense qu'avant d'être poètes nous sommes mauvais, irrémédiablement."

Cette histoire du mal à travers les siècles, au nom des idéaux de pureté ou de la musique, mais surtout motivé par la soif de possession et de domination, est aussi le récit d’une course contre la maladie, contre ce qui brouille et embrouille le sens des choses, faisant exploser la vérité en une multitude de fragments incompréhensibles.

Un roman hors norme qui n’est pas juste un roman de plus sur la difficulté de la mémoire, individuelle ou collective.

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Au début de la lecture, ce qui est  déconcertant dans ce roman, c'est l'absence de chronologie et de repères de ponctuation classiques, mêlant style direct et indirect. C'est bien sûr en cela que ce roman n'est pas d'un abord facile dans les premières pages. Il faut accepter qu'un paragraphe, et même une phrase parfois, s'achève à une époque et avec des personnages différents entre le début et la fin !....que Adria, narrateur, parle de lui aussi bien à la première personne qu'à la troisième....!!......

Insolite donc, inconfortable évidemment, au début ; et puis, bien sûr, on s'habitue à cette structure flottante, à cette petite gymnastique intellectuelle. C'est sûrement excellent pour les neurones...

 

lecture adulte

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